Les deux linguistes et ethnologues américains Edward Sapir et Benjamin Whorf ont formulé l’hypothèse que la langue n’est pas un simple instrument de description de la réalité, elle contribue à la structurer. Cette hypothèse est connue sous le nom de « hypothèse Sapir-Whorf ».
Énoncé de l’hypothèse : « La langue d’une société humaine donnée organise l’expérience des membres de cette société et par conséquent façonne son monde et sa réalité ».
En Chichewa, langue apparentée au Zoulou (…) il y a deux temps pour le passé :
- l’un pour les événements passés ayant une influence sur le présent
- l’autre pour ceux n’ayant aucun prolongement actuel. (…)
Une nouvelle vision du TEMPS nous est ainsi offerte.
Représentons la première forme par l’indice 1, la seconde par l’indice 2 puis réfléchissons aux nuances du Chichewa : (…) « j’ai mangé 1 » signifie que je n’ai pas faim ; « j’ai mangé 2 » signifie que j’ai faim. Si on vous offre à manger et que vous dites : « Non, j’ai mangé 1 » c’est normal, mais si vous utilisez la deuxième forme, c’est une insulte.
(…) Prenons d’autre part le dialecte « Cœur d’Alène » parlé par une petite tribu indienne du même nom, dans l’Idaho. À la place de notre simple concept de « cause » (basé sur la relation élémentaire « ceci lui fait faire cela »), la grammaire Cœur d’Alène exige la discrimination (que ces Indiens font bien entendu automatiquement) entre trois processus causatifs qui se traduisent par trois formes verbales :
1. croissance ou maturation d’une cause inhérente
2. addition ou accroissement de l’extérieur
3. addition secondaire d’un élément affecté par le processus 2
Pour dire par exemple « rendre sucré », ils utilisent la forme 1 pour une prune adoucie par le mûrissement, la forme 2 pour une tasse de café où l’on a fait dissoudre du sucre, et la forme 3 pour des gâteaux sucrés à l’aide d’un sirop obtenu par dissolution de sucre.
Linguistique et anthropologie, Denoël-Gonthier, 1969
Pour certaines tribus d’Indiens, les mauvaises herbes étant inutiles, elles ne sont pas classées dans les plantes et sont même ignorées (elles n’ont pas de mot pour les désigner, si bien que pour eux, c’est comme si elles n’existaient pas). — les Indiens ne nomment, parmi les plantes et les animaux, que les espèces utiles et nuisibles.
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« Nous créons notre monde grâce à notre langage »
Nathalie Feraud